Voyage en misarchie, l’au-delà de la république…

J’ai découvert la misarchie lors d’une émission de Taddéi : Hier, aujourdhui, demain n°8 mai 2017. Voyage en misarchie, Essai pour tout reconstruire - YouTube C’est une utopie créée par un professeur de droit, Emmanuel Dockès, qui s’imagine perdu dans un pays inconnu, l’Arcanie, suite à un accident d’avion. Là, il découvre un pays qui abhorre toute domination quelle qu’elle soit (misarchie : la détestation du pouvoir). http://editionsdudetour.com/

En conséquence il n’y a pas d’Etat et tout est géré démocratiquement au sein d’associations où l’on est libre de s’associer ou d’en partir et de districts qui gèrent les biens communs d’un territoire. Toute une série de règles permettent de limiter les pouvoirs tout en stimulant la créativité et la liberté de chacun.

Par exemple les associations de travailleurs sont des coopératives autogérées mais les créateurs d’entreprises peuvent s’ils le souhaitent avoir une voix prépondérante pendant 10 ans, puis ces droits se réduisent progressivement lors des dix ans suivants pour être équivalent à ceux des autres travailleurs de la structure.

Pour réduire l’accumulation de pouvoir, les districts qui gèrent les biens communs ne s’occupent que d’un seul sujet : un district pour l’urbanisme, un autre pour la police, un troisième pour l’énergie etc… chacun est géré démocratiquement avec des élus et des assemblées tirées au sort qui contrôlent les élus.

Un dispositif permet de s’assurer d’une valeur fondamentale de l’Arcanie, à savoir la tolérance absolue par rapport aux autres, c’est la rotation infantile : du sevrage à deux ans les parents sont incités à faire garder leur enfant par d’autres familles pour des périodes inférieures à 5 jours, entre deux et 6 ans c’est au minimum une semaine par trimestre, à partir de 6 ans c’est au moins un mois par semestre, à 9 ans c’est deux mois par semestre et ce sont les enfants eux même qui organisent leur rotations. L’objectif est que chaque individu puisse connaitre le maximum de milieux et de règles de vies différentes avant d’atteindre l’âge adulte.

Ce livre facile à lire regorge de réflexions qui ouvrent d’autres perspectives. A lire absolument !

Pour aller plus loin deux articles :

et une émission de France Culture : Un monde sans chef, l’utopie d’Emmanuel Dockès

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Merci beaucoup @sdm94 pour cette référence !

Dans ce livre, l’auteur donne-t-il des détails sur le fonctionnement du contrôle des élus?

Non malheureusement, il est beaucoup plus prolixe sur l’organisation économique et sociale (éducation, entreprises, propriété…) que sur les institutions et l’organisation technique du pouvoir (en même temps il n’y a plus d’état !)

Je ne comprends pas vraiment le billet de mediapart.

l’immigration en Arcanie est libre, le droit d’installation reconnu et l’hébergement garanti avec un pécule non négligeable offert à chaque primo-arrivant afin de lui laisser le temps de choisir une profession, ce qui est facile puisqu’il n’y a pas de chômage.

Comment peut-on écrire cela, sans le justifier? Je veux bien le croire, mais comment cela est-il possible? Il n’y a-t-il pas de base, dans toute société un problème de ressource? Par exemple, il y a une quantité limitée en eau pour alimenter les citoyens?

Et ce que je ne comprend pas aussi, c’est pourquoi ce nom (même si je sais d’où ça vient)? Le pouvoir n’est pas forcément l’horreur qui est présenté ici: par exemple le pouvoir de donner la vie, le pouvoir de créer, d’innover. Si on hait ce pouvoir, alors on haïra ceux qui veulent faire quelque chose de plus, d’être libre dans le sens originel du terme.
Ensuite, de nombreuses reflexions ne semblent pas vraiment nouvelles: il suffit de lire « Ile » d’Huxley , pour trouver les mêmes idées sur la rotations des familles, la gestion coopérative.
La question n’est pas de faire d’un concept « le pouvoir » l’origine de tous les maux, car cela ne mènerai qu’à une vision manichéenne. C’est plutôt essayer de comprendre comment on articule tous ces concepts, tous ces sujets.

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Peut être faut il lire le livre ?

Je vais essayer de lire le livre prochainement bien-sûr pour me faire une idée plus détaillée .
Mais peut-être que si vous avez lu le livre, vous pouvez m’aider à comprendre (on est sur un forum après tout).

Je l’ai lu il y a 4/5 mois, pour répondre précisément il faudrait que je le relise, car ce n’est pas un essai mais bien la description d’une utopie au travers d’un carnet de voyage. En fait, stylistiquement, c’'est bien un roman à la première personne.

d’où vient ce nom @jguignie ? stp

Le nom de misarchisme vient surtout des textes de Nietzsche:
« Je relève ce point capital de la méthode historique puisqu’il va à l’encontre des intincts dominants et du goût du jour qui préféreraient encore s’accommoder du hasard absolu et même de l’absurdité mécanique de tous les événements, plutôt que de la théorie d’une volonté de puissance intervenant dans tous les cas. L’aversion pour tout ce qui commande et veut commander, cette idiosyncrasie des démocrates, le « misarchisme » moderne (à vilaine chose, vilain mot ! ) a pris peu à peu les allures de l’intellectualisme le plus raffiné, de sorte qu’il s’infiltre aujourd’hui, goutte à goutte, dans les sciences les plus exactes, les plus objectives en apparence » Généalogie de la morale

On comprend que pour Nietzsche, ce mot correspond a une insulte. En même temps, comment une haine pourrait être à la base d’une société?

En ce qui concerne l’ILE d’Huxley, c’est bien une utopie! Le seul problème vient qu’il y a du pétrole sur cette île et que la convoitise venant de l’étranger va détruire l’équilibre. (On le devine très tôt dans le livre)

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22 euros en petit format et broché (c’est-à-dire agrafé, donc avec peu de pages)… pas de version numérique ou d’extrait…
Je préfère relire Nouvelles de Nulle Part de William Morris. Connais-tu ce voyage là @jguignie?

Et en ce qui concerne le jugement de Nietzsche pour ce qu’il nomme « misarchisme », de nombreuses personnes ont une opinion opposée à la sienne. D’où le fait qu’il a été employé par Emmanuel Docklès dans son livre, à contre-courant du sens initial. Il faut lire la Généalogie de la morale pour comprendre un peu plus les utopies actuelles.
Car après tout, ce que l’on cherche dans une utopie, c’est le meilleur, le bon , le bien?
Mais c’est quoi le bon, le bien (du moins ce qu’il semble être dans ce livre) ? Eh bien je peux dire qu’actuellement ce bien, ce bon ressemble plus à la morale chrétienne, mélangé à plus ou moins d’éthique, qu’à autre chose.
Si comme dans le cas de Nietzsche, vous n’avez pas une morale absolue (avec des principes absolues puisque non-religieux), il est tout de même intéressant de savoir d’où vient notre morale! Elle participe et à de nombreux effets sur notre société. (Bon je nuance malgré tout car il y a une crise des traditions dans le monde occidentale).

Et pour Nouvelle de Nulle Part de William Morris, oui je connais mais je me rappelle plus très bien. Dans mes souvenirs, c’est un état communiste véritable, avec de l’artisanat, et pas de système judiciaire. Mais le problème vient toujours de l’extérieur: que ce passe-t-il lorsqu’un autre pays veut s’accaparer des ressources d’un autre?
Et que se passe-t-il lorsqu’il n’y a pas assez de ressources pour la communauté? Il faut échanger avec l’extérieur mais le capitalisme sera toujours gagnant car roi de la concurrence… D’où l’impossibilité de réaliser des utopies sans isolationnisme, autarcie (impossible dans notre monde à l’échelle d’un pays). On peut alors considérer seulement les utopies comme une critique du monde actuelle. Ou rêver

Il se passe que si l’utopie en question n’est qu’un amas de dogmes (un peu comme dans notre république), et bien c’est plus ou moins la merde. S’il s’agit d’une utopie avec un mode d’emploi facile à utiliser pour créer de la bienveillance et de la solidarité (et ça existe à succès!), et bien les échanges se font tout simplement parce qu’il n’existe pas d"'humanité sans partage". Loin de moi l’idée d’autarcie, et en relisant le début de Ile de Huxley, je me suis souvenu du reste que j’avais lu, c’est une dystopie (d’après mon jugement moral).

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Pouvez-vous expliquer pourquoi vous pensez que c’est une dystopie?
Quand je parle d’utopie, je parle surtout de la première partie, où l’on visite l’Ile. La deuxième partie est bien une dystopie.
Et comme je l’ai expliqué dans mon précédent commentaire, il faut bien un meilleur pour écrire une utopie. Le meilleur que vous décrivez est la bienveillance et la solidarité. Mais si d’autres ne sont pas d’accord ou ne respecte pas ces principes (surtout à l’extérieur puisqu’ils ne sont pas sensés avoir vécu dans une société avec ce mode d’emploi), ils peuvent tout simplement tout détruire.
Loin de moi l’idée de dire que l’autarcie est une bonne chose. J’essaye d’expliquer deux choses depuis tout à l’heure:

  • une utopie ne peut naître que de la morale, de dogmes etc… de la personne qui l’écrit. (–> pas forcément bon)
  • écrire une utopie dans un endroit perdu, particulier (comme l’ile ou l’arcanie), ne vise qu’à critiquer le système en cours, pas à réaliser quelque chose de réaliste comme écrit dans le billet de mediapart (« une utopie crédible et jubilatoire »)

Je me sens rassuré de partager un point d’accord sur le sujet de l’autarcie (c’est le plus gros détail qui me fait ressentir cette histoire comme une dystopie, et puis le meilleur des mondes m’avait aiguillé dans cette direction avant de commencer Ile). J’espère que le problème de laïcité sera un autre de ces points qui nous manque dans île.

Je trouve que Ile de Huxley est une dystopie parce que je n’y vois pas beaucoup de personnes qui ont l’air de bien s’y sentir. A contrario de Nouvelles de Nulle Part. Je t’invite à écouter une lecture improvisée que j’ai réalisée du chapitre 9 qui résume bien le problème du partage à mon goût, et d’une thématique chère à Huxley, et à plein d’autres utopistes.

alors on peut leur demander avec un langage sans jugement moral (mieux vaut s’entraîner un peu avant pour y parvenir, et n’être pas seul à avoir cet objectif).

Et comme tu as l’air d’être un aventurier de mondes alternatifs, je t’invite aussi à découvrir mon roman graphique http://www.bdjustices.com/ parce que c’est ça l’idée, voyager dans plein de mondes aux principes de vie différents en un seul voyage. Peut-être reconnaîtras-tu des mondes que tu as déjà visité mais dont l’étrangeté des dogmes ne t’a pas permis d’en ressentir ses effets au-delà de ce que les auteurs en ont montré.

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Je reviens sur cette affirmation, puisque j’écris des utopies. J’aimerais savoir ce qui te fais dire cela. Quels exemples as-tu pour m’éclairer à ce sujet?

Pour Nouvelles de Nulle Part, je peux comprendre ton affirmation, puisque je peux facilement trouver les formulations moralistes dans le récit du voyageur en question dans l’histoire, ce qui n’est pas pour m’aider à comprendre ce que les personnages ressentent vraiment. Je pourrait juger « ce livre est mal écrit », mais si j’observe mon environnement (de travail ou amis), j’y vois tout autant des jugements moraux à tout bout d’champ :wink:

Dans l’extrait que j’invite à écouter de Nouvelles de Nulle Part, c’est flagrant ) mon goût. Je précise quand même que je suis laïque, alors quand il s’agit de « dieux » dans l’histoire, je le comprends ce concept comme des hommes qui écrivent des dogmes (religieux ou lois autoritaires, ou les deux) et j’invite qui veux à le comprendre également dans ce sens.

Par cette dernière phrase, tu viens de montrer qu’une utopie ne l’est seulement que pour certaines personnes. La morale, c’est-à-dire ce qui te fais dire ce qui est bien ou ce qui est mal, est ce qui permet de faire ce jugement (du moins en grande partie). On pourra dire la hiérarchie des valeurs est propre à chacun, la morale est lorsqu’elle est commune.

Il existe en effet de nombreuses utopies auxquels je ne pense pas que tu voudrais y adhérer. Par exemple,dans la république de Platon , Socrate recherche la belle cité. la solution idéale à cette époque est un système de caste/ classe, de guerriers, artisans/paysans, et gardiens (liberté/ égalité?).
De plus, à l’époque des grecs anciens, l’esclavage était déclaré comme naturel par Aristote. Une utopie avec des esclaves possibles à cette époque?
Ensuite le sens des mots Bon et Mauvais a changé au cours des siècles: « C’est grâce à cette origine que de prime abord le mot « bon » ne s’attache point nécessairement aux actions « non égoïstes » » (selon Nietzsche, sur le sens de ces mots chez les romains et grecs).

Je vous conseille aussi ce site qui décrit de nombreuses utopie:
http://une-histoire-de-lutopie.edel.univ-poitiers.fr/exhibits/show/sources/introduction
Ce que je pense pas rapport aux valeurs morales en Europe, c’est qu’elles ont été laïcisé, c’est-à-dire qu’elles ont perdu leur lien avec la religion même si elles sont restées d’actualité.

Malheureusement, cela ne peut pas se résoudre toujours de cette manière: lorsque Huxley écrit Ile, il critique la volonté hégémonique de l’URSS et des USA de la guerre froide prêt à tout pour contrôler les pays du monde, les ressources,etc… Le nombre de coup d’état à cette époque est ahurissant.

ah bon, et pourquoi pas, je le vois pourtant depuis que je m’intéresse et expérimente la communication sans jugement moral (je sais, je suis un utopiste :grin: ).

je suis plutôt d’accord. certaines utopies sont plus partagées que d’autres, et à la fois, il peut n’y avoir qu’un petit groupe de banquiers (partageant une même utopie) sans pour autant que cela limite leur pouvoir de réalisation de leur utopie.

Il est même possible de se passer de ce couple de jugement moral, tout un gardant un jugement scientifique très fonctionnel pour préserver les besoins fondamentaux des humains sans exception, mais là on sort du champ de la culture greco-romaine.

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Vous avez raison d’une certaine manière: c’est la meilleur façon d’éviter un conflit. Mais cela me rappelle trop l’histoire du bhagavad gita et le conflit peut parfois ne pas s’éviter. Mais aussi la vision historique, avec je l’ai déjà dit, de nombreux coup d’état organisés depuis l’extérieur.

Oui oui ! C’est exactement la conclusion de Nietzsche: par delà le bien et le mal!

Et ce qui concerne les utopies, une vidéo intéressante sur comment en construire (selon mon point de vue): changer les allant de soi de notre société:

D’ailleurs la question de violence est au centre de la vidéo.

je n’ai pas lu Nietzche, mais merci de me dire qu’il arrive à cette idée. Pour être précis, quand j’envisage la notion de « Bien », je n’utilise plus ce mot, je parle juste d’amélioration de la vie d’une personne (de soi, et si tout le monde faisait ça, on pourrait y voir plus clair) ou d’un groupe tout entier (une entreprise, une nation), c’est beaucoup moins vague et abstrait, c’est un peu plus facile à mesurer et quantifier. ça se voit sur la gueule (cernes, boutons, teint, plaies, equimoses… ou pas;).
Pour faire une utopie, c’est simple comme Sisyphe, il faut l’imaginer heureux (et ça se mesure aux nombres d’émotions de besoins satisfaits utilisés).