Je répercute ici un questionnement que j’ai lu quelque part : n’est-il pas étonnamment contradictoire qu’on veuille (collectivement) pratiquer la démocratie dans notre système politique, et le despotisme (le pouvoir hiérarchique du patron) dans notre système de travail ?
Pour le dire autrement : peut-on espérer avoir un système politique démocratique sans avoir des relations de travail démocratiques ?
Ou encore : est-il possible de n’être démocrates que dans un seul aspect de notre existence ?
Le capitalisme et la démocratie sont en contradiction sur certains aspects, ce qui est la source de bien des débats mais aussi d’un certains nombre d’équilibres qui ont favorisés une période d’avancée sans précédent dans l’histoire de l’humanité. De très nombreux processus naturels sont les résultats d’équilibres, c’est un fait en particulier de la vie. Dans ces processus ont ne peux idéaliser qu’une seule des forces en présence sans détruire le processus résultant de l’équilibre.
Mon point de vue est le suivant: Le capitalisme a pour but la création de valeurs par concentration, et la démocratie a pour but de partager les valeurs par distribution. De fait je ne pense pas qu’il soit tant possible de comparer les deux dans le même but, car ils sont complémentaire, du moins jusqu’au jour où on trouvera une meilleur combinaison.
Donc pour répondre à votre question, je dirai que c’est justement parce que les entreprises ne fonctionnent pas principalement avec des systèmes de votes (sauf dans le conseil d’administration peut-être) que le système politique doit fonctionner avec un système de vote démocratique qui donne la souveraineté au peuple, de façon à ne pas concentrer le pouvoir. La tentation de concentration du pouvoir est grande, il n’y a qu’à constater combien l’économie tente de piloter la politique et combien la politique tente de réguler l’économie. C’est un équilibre asymétrique: d’un coté il y a un groupe relativement petit avec beaucoup de pouvoir par individu, de l’autre il y a une très large majorité avec relativement peu de pouvoir par individu. Cela n’empêche par la création d’un équilibre, il y en a beaucoup de ce type dans la nature.
De fait dans de nombreux pays, il est possible d’observer que les assemblées législatives sont plus difficile à manipuler par l’économie car ces assemblées sont constituées généralement de nombreuses personnes représentant des orientations politiques différentes. Je pense même que les assemblées qui fonctionnent le mieux sont celles très diversifiée où aucun parti n’a de fait une majorité. Donc ce type d’assemblée a une efficacité intéressante dans certaines configurations. A contrario, dans de nombreux pays, l’exécutif concentre le pourvoir sur une seule personne et on observe avec quelle facilité le capitalisme peut en tirer profit. Quelques rares pays ont un exécutif constitué par un collège de plusieurs partis (une version réduite de l’assemblée) et je pense que ça se passe beaucoup mieux dans cette configuration.
A ce titre, il faut observer le paradoxe que les conseils d’administration capitalistes utilisent le vote, alors que les ministres d’exécutifs démocratiques utilisent la hiérarchie. Comme quoi tout est une affaire d’équilibre…
La question se pose en ce moment, il y a des entreprises « libérées » qui se créent voir des entreprises normales qui essayent d’évoluer vers plus d’horizontalité (pour exemple http://www.groupe-poult.com/fr/)
Pour le dire autrement : peut-on espérer avoir un système politique démocratique sans avoir des relations de travail démocratiques ?
Il me semble que la question se pose aussi pour des relations familiales démocratiques, des relations associatives démocratiques, des relations démocratiques à l’école, etc…
Pas des salariées, on est bien d’accord (à moins qu’ils ne soient aussi actionnaires, c’est rare mais ça existe). Par contre le conseil d’administration peut (ce n’est pas systématique) représenter entre autre des fonds de placement conçus pour améliorer les conditions sociales de retraités. Une partie substantielle de la prévoyance vieillesse repose actuellement sur ce principe.
Pour ma part il me semble que la démocratie est aussi une question de pratique, de conditionnement, de savoir-faire et de savoir-être,…
Si dans un milieu on vous apprends à vous taire sous prétexte que vous n’êtes pas experts, assez vieux, le sachant, ou tout autres prétextes, il est difficile de se sentir légitime à être un citoyen qui a le droit de s’exprimer dans d’autres conditions.
Inversement si dans certains cas vous profiter de votre position dominante (de parent par exemple) pour ne pas permettre à d’autres de s’exprimer, comment être certain que vous ne profiterez pas de toutes autres situations où vous êtes en position dominante. On tombe vite dans la facilité quand ça nous évite un débat tout en sortant vainqueur
Il est certain que la démocratie se pratique tous les jours aussi bien dans sa vie privée qu’au travail.
Malheureusement on est tous le tyran de quelqu’un, souvent par souci de gain de temps, parfois parce qu’on maîtrise mieux le maniement des mots que son contradicteur.
Je travaille actuellement dans un milieu qui me permet d’avoir accès à des placements qui étaient cachés. Les titulaires des avoirs ne vérifiaient pas vraiment ce qui se passait. Les investissements réalisés étaient donc sur des sociétés qui, pour certaines, ont des activités assez peu éthique. Ces entités avaient donc des financements car les actionnaires s’attardent uniquement sur les revenus générés et également ne regardaient pas nécessairement leur portefeuille.
Je pense qu’il y a plusieurs problèmes sur ce point
l’absence totale de responsabilité (la perte d’un capital dont on n’a pas besoin n’est pas un risque) des actionnaires ne permet pas d’aller chercher leur responsabilité lorsqu’il y a un problème. La démocratie c’est également prendre la responsabilité de ses choix,
l’absence de vérification par les épargnants du contenu de leur épargne (du moment qu’il y a des revenus) en partie à cause du fait que c’était géré par un tiers qui avait tout pouvoir du fait du caractère secret des avoirs,
la présence de financement au profit de sociétés qui n’ont pas de vision sur le long terme mais promettent des rendements importants (certaines entités essayent de changer mais leurs revenus sont inférieurs donc pas intéressantes pour des « grands » investisseurs,
le déséquilibre résultant du fait que certains individus sur cette planète choisissent quelle société peut vivre et quelle autre peut mourir sans que ce choix soit accordé à un nombre plus important de personne et surtout des individus qui vivent ou meurent vraiment du fait de cette société
Bon je m’égare, mais sinon il y a aussi des écoles démocratiques qui permettent aux enfants d’apprendre à se responsabiliser et à prendre des décisions ensembles!
@cris.b@jcfrog Vos analyses sont pertinents. La démocratie ne va pas remplacer le capitalisme, mais permet de limiter le capitalisme. Et oui, il faut le présenter comme tel dans l’enseignement.
Le capitalisme a vocation à évoluer en fonction de la critique qu’on lui apporte (j’avais vu quelques vidéos sur le sujet Capitalisme (1/3): Définition MaP#1 - YouTube il y en a d’autres)
À mon sens le problème, jusqu’à aujourd’hui, c’est justement qu’il y a peu ou pas de critique « constructive » de ce système mais des appels à la destruction alors qu’il serait peut-être envisageable de le faire évoluer. Ce serait donc à nous tous de le remettre en question et d’en modifier les règles (vaste débat).
En tout état de cause, à mon avis, la démocratie c’est la responsabilité de ses choix, une personne qui investie du temps ou de l’argent dans un projet doit en obtenir les fruits ou supporter les coûts. Après tout est question d’équilibre dans le sens où il faut aussi garantir à chacun de quoi vivre etc. (Encore plus vaste débat !)
Il existe des sociétés où le modèle à déjà changé. On ne parle pas des grandes sociétés française mais de PME dont les actionnaires sont les employées.
Par exemple la société SCOP TI qui étaient une entreprise (Fralib) en faillite qui allait être revendu et qui a été racheté par ses employées [Article sur le rachat]. Vous avez peut être déjà vu leur produit en magasins, les thés 1336.
Les opérateurs de SCOP TI sont leurs propres patrons. Maintenant je ne sais pas exactement comment ils s’organisent pour leur prise de décision.
En France, on a aussi de nombreuse coopérative agricole, où la aussi les décisions sont prises de manière collective.
Par contre dans de plus grosses structures, annoncées comme étant des coopératives, comme le Crédit Mutuel, le groupe BPCE et le groupe Leclerc (oui ce géant de la grande distribution est une coopérative car chacun des magasins est indépendant), on ne se trouve plus dans une démocratie de notre époque. Seuls quelques élites de ces grandes entreprises se partagent le pouvoir ou élisent un PDG qui prend des décisions comme dans une entreprise classique.
Merci à tou.te.s les participant.e.s de ce fil de discussion ! Il rejoint totalement l’approche que nous souhaitons avoir pour le documentaire. La question de la démocratie dépasse largement le simple cadre du « jeu » politique et des élections (élections qui sont bien loin d’être « démocratiques » ). Comme de nombreux chercheurs ayant travaillé sur la question le mentionnent (Pierre Rosanvallon, Bernard Manin etc…), la démocratie est avant tout une « expérience », un régime qui n’est jamais totalement abouti et encore moins figé.
C’est donc logiquement une notion et des questionnements qui doivent infuser dans tous les secteurs de la société. Dans le rapport entre État et citoyens, mais aussi dans l’entreprise, dans l’éducation et dans bien d’autres domaines.
Du coup, les références concrètes et sourcées que vous mentionnez (comme le groupe Poult ou la SCOP TI) sont une formidable matière pour notre enquête ! Si vous en avez d’autres, surtout n’hésitez pas
Oui le capitalisme a pour vocation d’évoluer en fonction de la société dans laquelle il se trouve. Il y a donc un système particulier du capitalisme pour chaque société.
Mais un des effets de ses principes, la concurrence, et du libéralisme/libre échange dans lequel nous nous trouvons, la société doit tenir compte des autres sociétés: c’est donc la/les société/s (ailleurs dans le monde dans le cas de la France) qui laisse le plus les égoismes économiques faire ce qu’ils veulent (les « entreprises ») qui gagne la mise (moins de coûts donc plus de profits). En perdant la compétition de la concurrence, les sociétés qui ont le plus restreint les libertés des entreprises vont essayer de suivre la cadence en libéralisant son économie, c’est-à-dire en laissant faire d’une certaine façon les entreprises.
Donc oui le capitalisme évolue mais plutôt dans le sens contraire à l’idée de démocratie, qui elle suppose une idée d’égalité pour permettre le débat (et non l’affirmation des égoïsmes). En terme économique et même parfois politique (les gens veulent du travail et votent parfois pour ça), on est donc de mon point de vue plutôt sur une pente négative. Mais c’est sans compter la prise de conscience et la connaissance (et le film de datagueule ) .
Avec les scop (Société coopérative et participative), les décisions du conseil administrative sont prises non pas en fonction du pourcentage de capital dans l’entreprise, mais en tenant compte du salariat.
Une expérience partagée sur un site: http://leblogrh.recruteurs.apec.fr/les-scop-la-rse-avant-lheure/
A ne pas confondre avec les sociétés coopératives simples qui ne font pas participer les salariés mais avec d’autres systèmes de fonctionnement.
Autre type de société:
Les SCIC: Société coopérative d’intérêt collectif.
Je vais donner le cas que je connais: http://energie-partagee.org/ et toutes les sociétés soutenues par elle (voir la carte des projets, qui est composé à chaque fois d’une entreprise).
Dans ce cas des citoyens vont investir (et pas donner) de l’argent dans une société dans laquelle ils croient, pour un but précis (ici le développement du renouvelable). Et l’assemblée générale est composée de beaucoup d’acteurs: le fonctionnement est assez bien décrit sur le site.
Je vais avoir du mal à me remettre après la lecture de ce message…
Ok, les définitions de la démocratie ne se limitent pas strictement qu’à la politique, mais quelque soit la définition que vous trouvez, les définitions s’appliquent le plus souvent et en premier à la politique. Du reste la proportion de sujets et de commentaires sur cet agora traitent très majoritairement de politique.
Donc non, la démocratie ce n’est pas largement autre chose que de la politique, c’est principalement de la politique. Si vous passez à côté de ça, vous noyez le poisson…
Je crois qu’il fallait lire « « jeu » politique et des élections » et non politique tout court. Plus spécifiquement à la France du coup.
Si j’ai bien compris, la démocratie directe, c’est bien plus qu’« un jeu politique et des élections ». C’est lorsque chacun prend sa responsabilité en politique. Mais aussi dans son entreprise, etc… et cela sous de multiples formes (comme la désobéissance civile dans le cas où la démocratie directe est très faible).
Effectivement, quand on parle de démocratie, on parle surtout de politique. Je dirais même de « politiques politiciennes ». Et c’est bien de cette démocratie en panne dont parle les dernières vidéos de DataGueule.
Mais se contenter de parler de la démocratie qu’en termes de jeux politiques est drôlement réducteur. Et justement, les prémices de la démocratie de demain se cachent partout : dans les collectivités locales certes, mais aussi en entreprise, à l’école… Montrer ces initiatives permet de dire : c’est possible et ça fonctionne ! Je n’appellerais pas ça noyer le poisson !