Suisse: Votation populaire du 13 juin 2021

Pas moins de 5 objets de votation populaires, dont 2 initiatives populaires et 3 référendums facultatifs. La brochure d’information est épaisse de 144 pages ! https://www.admin.ch/dam/gov/fr/Dokumentation/Abstimmungen/JUNI2021/Abstimmungsbroschuere_13-06-2021_fr_UA.pdf.download.pdf/Abstimmungsbroschuere_13-06-2021_fr_UA.pdf

Les deux initiatives populaires sont des objets écologiques dirigés principalement contre l’utilisation des pesticides. Ils constituent une attaque assez frontale contre l’évolution de la politique agricole du Conseil Fédéral qui encourage pourtant depuis de années des exploitations plus écologiques et continue à le faire. Le président de la confédération étant lui-même un agriculteur, les arguments sont très difficiles au niveau technique pour les initiant. De fait les textes proposés sont bien trop court et donc arbitraires et déplace le débat au niveau politique et émotionnel. Les verts se veulent les défenseurs du peuple empoisonné par l’industrie agroalimentaire (je n’exagère rien, ça réellement été dit ainsi). Encore un fois, on observe un énorme clivage entre les villes (pour) et les campagnes (contre). Situation typique d’un débat idéologique sans réelle connaissance pratique du travail à fournir.

Le référendum contre la loi COVID-19 est un objet assez unique à plus d’un titre. C’est une loi urgente, presque entièrement provisoire, mais tout de même soumise au référendum (qui a aboutit). La Constitution donne le droit au Conseil Fédéral d’adopter les ordonnances qui doivent être limitées dans le temps. Plusieurs articles de lois prévoient ce droit en différentes circonstances. En l’occurrence, l’article suivant est applicable: Fedlex
La loi est largement approuvées par les partis politiques, mais les initiants craignent que certaines dispositions temporaires soient ensuite prolongées. Il y a aussi le problème du passeport sanitaire qui a été ajouté à la loi après son adoption par le parlement et qui ne figure pas dans l’information donnée aux citoyens dans le cadre du référendum, ce qui est vivement dénoncé par les initiant (avec raison à mon avis). Les débats risquent bien de se cristalliser sur le passeport plus que sur tous les autres aspects de la loi. Mon point de vue est que le conseil fédéral a peut être fait une erreur plutôt lourde en introduisant après publication pour référendum la question super délicate du passeport sanitaire qui va rester des années dans une loi urgente et provisoire qui n’avait que très peu de détracteur.

Les deux autres référendums sont des objets plus classiques. L’un porte sur la loi sur le CO2 visant à introduire de taxes pour décourager les émissions, curieusement soutenue par la gauche alors que la droite critique son impact sur les bas revenus. L’autre porte sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme, aux prises de positions assez contradictoires parmi les partis au point de ce demander comment ce texte a été put être adopté par le parlement avant de faire l’objet d’un référendum. Le texte lui-même est complexe car il réorganise de nombreuses dispositions également dans le domaine de la migration, de l’asile, de la coopération avec les autres états, de l’aviation, des télécommunications, de la protections des données, de l’identification électronique, et même des précurseurs de substances explosibles. Pragmatiquement, on sait que la Suisse se fait aider par des pays tiers pour lutter contre le terrorisme et que des dispositions internes sont dépassées. Toutefois la gauche dénonce que « Certaines formes d’activisme politique, comme les mouvements féministes, peuvent aussi être considérées comme du terrorisme. Cette définition ambiguë ouvre la porte à l’arbitraire. Aucune autre démocratie ne définit le terrorisme de cette manière. »

Le sondage à 10 jours des votations:

3 objets font visiblement débats alors que pour 2 autres l’adoption semble assez probable.

Un article qui résume rapidement les différentes votations:

Au niveau des objets fédéraux, la gauche se prend encore une autre claque monumentale puisque le peuple a voté pratiquement l’inverse des recommandations du PS. La victoire est totale pour la droite et en particulier l’UDC, seul grand parti à combattre officiellement la loi sur le CO2. À noter qu’une partie des écologistes étaient également contre cette loi à cause de son aspect anti-social basé sur des taxes qui par définition ne varient pas en fonction du revenu. Là où ça devient piquant, c’est que l’idée d’une taxe vient justement du PS, donnant ainsi à nouveau l’occasion à l’UDC de se positionner en défenseur des petits et moyens revenus. Encore une fois le peuple démontre que ce n’est pas un problème de refuser une loi quand elle n’est pas assez bonne et d’obliger ainsi le parlement à se remettre au travail pour l’améliorer.

J’observe que le parti PS est quasi totalement absent des médias après la votation, alors que les mêmes médias d’empressent d’interviewer en direct et prime time un représentent de l’UDC quand ils perdent. Je ne suis visiblement pas le seul à faire cette observation. La différence de traitement est devenue tellement évidente que des plaintes sont déposées et même des initiatives populaires sont en préparation pour exiger des médias plus neutres.

Une autre observation est que la fracture entres les villes et les campagne se confirme. Cela est particulièrement visible pour les votations sur les deux initiatives populaires écologistes contre les pesticides et le référendum contre la loi sur le CO2, mais aussi plus curieusement pour la votation sur la loi contre le terrorisme. Les urbains donnent ainsi le cliché qu’ils veulent interdire tout les pesticides sans comprendre qu’il subsiste une utilité pour éviter des pertes de production trop importantes, ils profitent de transports publiques et de logements plus modernisés sans penser que c’est plus compliqué pour les autres, mais craignent d’être soupçonnés d’activités illégales. Vraiment étrange.

A noter que le Présidant de la Confédération, le Conseiller Fédéral Guy Parmelin du parti UDC obtient un second très grand succès après celui de la fin de l’accord cadre institutionnel avec l’UE. Son passé d’agriculteur lui confère un pragmatisme très loin des idéologies découplées de la réalité, et cela est visiblement fort apprécié. Curieux de voir si il parviendra à quoi que ce soit lors de ses rencontres avec Joe Biden et Vladimir Poutine ce mercredi, car là c’est un tout autre niveau.

Un petit peu d’humour sur la rencontre aujourd’hui entre le Président des États Unis d’Amérique Joe Biden et le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine à Genève accompagnés par le Conseiller Fédéral et Président de la Confédération Helvétique Guy Parmelin, agriculteur avant ça.

Le problème de neutralité des médias, en particulier publiques, que j’évoquais dans un précédent message, prend des proportions inédites: