Les algorithmes et la démocratie

Bonjour à tous,

Peut-être avez vous entendu parler de la controverse qu’a une fois de plus déclenché Facebook la semaine dernière. Internet s’est soulevé face à la modification du fonctionnement du “fil d’actualité” de Facebook : Mark Zuckerberg affirme vouloir privilégier les contenus partagés avec notre famille et nos amis, plutôt que ceux des entreprises privées et des médias.

Pour beaucoup, ce changement apparaît comme une réaction aux accusations faites à Facebook suite au Brexit et aux élections présidentielles américaines : non seulement l’algorithme du News Feed aurait permis un déferlement de fake news et un déséquilibre de l’accès à l’information durant la campagne, mais il aurait en plus rendu tout cela inaperçu en designant notre univers Facebook comme un cocon idéologique et culturel.

Bon, mais tout ça, vous êtes au courant que vous lisiez 20 Minutes, Usbek & Rica ou bien Le Monde : tout le monde en parle, et c’est très bien. Ça soulève de nombreux problèmes qui valent chacun le coup d’être étudié méticuleusement, mais celui qui m’inquiète le plus est bien celui de la neutralité de l’accès à l’information.
On peut parler du danger que représentent certains médias pour la démocratie. Mais à partir de maintenant, ils vont être triés sur le volet, et je doute que Facebook ait pour principal critère de sélection l’épanouissement intellectuel et culturel de ses utilisateurs. Par contre il a tout l’air d’avoir de belles motivations économiques.

Je me demande dans quelle mesure on pourrait mettre cette situation en parallèle à la démarche de sécurisation (évoquée dans un #Datagueule) qui s’installe depuis le début du siècle : les fake news sont portées comme le grand danger de la république, et toutes les options sont bonnes pour les combattre. Y compris laisser une société privée se charger de la régulation des flux. En ajoutant à cela la manière avec laquelle la définition de fake news est déformée en permanence, difficile de fermer les yeux sur le péril que cette mesure représente pour le libre accès à l’information (qui n’était déjà pas au top, je vous l’accorde) et pour le développement de l’esprit critique, donc de la pluralité des points de vue essentiel à la démocratie.

En tant qu’utilisatrice quotidienne de ce réseau depuis maintenant 10 ans (je sais, c’est flippant), la question des algorithmes utilisés par une entreprise aussi influente sur nos esprits me semble primordiale. Je pense qu’on peut éloigner d’entrée celle de savoir si aller aussi régulièrement sur FB est bien ou mal. C’est un débat qui je pense est trop éloigné de notre réalité (on a dépassé les 2 milliards d’utilisateurs). Idem pour la réponse selon laquelle la solution est simplement d’arrêter de s’informer sur Facebook : cela fait maintenant des années que les utilisateurs sont habitués à s’informer au même endroit. Les habitudes aussi confortables ne se perdent pas comme ça !

La question, c’est donc : faut-il réguler Facebook ? Si oui, comment ? Roger McNamee a mijoté une liste de propositions (aussi résumées dans l’article de Usbek & Rica, plus haut) : sont elles suffisantes ? Quelles sont leurs limites ?

C’est un sujet très vaste (au sein de l’écosystème de Facebook, mais on pourrait étendre ces questions à Google et autres GAFAM sur pas mal de points) et j’adorerais le dérouler avec vous et savoir comment vous percevez la question.

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La solution qui me semble la plus plausible sur le long terme est de permettre à chaque utilisateur de paramétrer les algorithmes avec lesquels il est en relation.

Bonjour, et merci pour le message.
Alors il y a de nombreuses choses dans votre post donc c’est un peu long pour vous répondre.
Pour revenir un peu au départ de ces évènements « Fake news, les éléments déclencheurs sont comme vous le dites les élections américaines et le Brexit. Il est tout d’abord remarquable de voir qu’à travers la critique des Fakes news, c’est aussi ces deux évènements qui sont critiqués. 2 évènements où il y a eu un parti pris contre la réalisation de ces évènements : de nombreux journaux, et médias en général américains étaient contre l’élection de Trump. Pour le Brexit, la volonté des médias traditionnels pour rester dans l’union européenne est assez énorme. Je prends pour exemple les propos du directeur de la rédaction du monde qui écrit (dans son journal ) «
« Non, assure Luc Bronner, directeur de la rédaction. Les opinions des uns et des autres ne l’emportent jamais sur les impératifs journalistiques. L’information prime toujours. Ce qui ne nous empêche évidemment pas de défendre un certain nombre de valeurs, telles que la défense des libertés publiques, la justice sociale ou l’avènement d’un projet européen ambitieux – des valeurs en opposition avec ce que défendent Marine Le Pen et le Front national. »

En clair, l’information prime toujours mais tous les propos qui viseraient à la sortie de l’union européenne sont traités de façon à défendre l’union européenne. Donc j’ai parfois l’impression qu’avec les fake news, on essaye de réparer quelque chose (par exemple Facebook) parce que les gens « pensent mal », veulent sortir de l’union européenne alors qu’il « faudrait pas ».
Ensuite la question est de se poser qu’est-ce que sont les « fake news » , et surtout comment elles sont reçus ?
Pour la première partie de la question, vous questionner sur la définition des fake news et sur le fait que celle-ci est déformé en permanence est d’une importance cruciale : il y a bien-sûr les articles très bien écrits mais avec des valeurs qui sont fausses ou se basent sur des chiffres faux. Il est clair pour tout le monde que ceux-ci sont vraiment des fausses nouvelles, car crée uniquement dans le but d’informer sur du faux. Mais cette définition s’est ensuite étendue aux informations de journaux satiriques, et comme on peut le lire sur l’article de Robert McNamee, aux meme viraux sur Hillary Clinton : en quoi ces deux éléments peuvent être considérés comme des fake news ? Car justement la plupart du temps, ils sont reçus par les utilisateurs pour en rire, pas pour en faire de l’information. Mais qu’en est-il « des vraies informations » ? Pourquoi il y a 10ans on ne voulait pas faire de loi contre les rumeurs (qui existaient aussi) ? Mon avis est que l’avènement du numérique a largement augmenté la quantité d’information disponible mais surtout la pluralité des points de vues : tout le monde peut s’exprimer sur internet (par exemple c’est que nous faisons en ce moment). Il n’y a plus un seul journal télévision comme il y a 40 ans, mais des centaines « officiels » sur internet, plus chacun qui commente, plus les blogs, messages facebook, twitter, etc… Donc au contraire de votre commentaire, je crois que le libre accès à l’information n’a jamais aussi favorable, tout comme la pluralité des points de vue. Et justement, ceux qui n’arrivent pas à s’adapter à cette nouvelle donne essayent de sauver leurs anciens privilèges (donner l’information), notamment avec cette loi de régularisation des nouveaux médias qui sont sur internet.

Donc je suis plutôt opposé à une régulation des informations sur internet (par la loi), même si celles-ci voudraient s’appliquer à une entreprise qui fait des bénéfices comme facebook. Le fait qu’il y ait des fake news sur internet ne me semble pas être un problème ni nouveau, ni insurmontable par les utilisateurs de facebook. Surtout, avec la quantité d’information disponible sur internet, j’ai surtout l’impression que la méfiance des sources de l’information est de plus en plus présente et que ces fameuses fake news, si elles sont crues, c’est que les personnes en étaient déjà convaincus. Si facebook veut le réguler, il peut le réguler, cela ne me pose pas de problèmes, je pense surtout que ceux qui ne trouveront pas les informations habituelles iront la chercher ailleurs.
Par contre empêcher les monopoles de sociétés, comme celle de facebook, qui pourraient acheter d’autres médias me semblent régulables (une des prop. de Robert MC.). Ce n’est donc pas l’information qu’il faudrait réguler, mais plutôt la quantité d’informations que possède une seule entreprise : vie privée totalement détruite, même si c’est quelque chose de choisi par la personne.
Enfin, à mon avis, si le débat est placé aujourd ‘hui sur les fake news, un des problèmes important se trouve dans l’équité des points de vue, et surtout des débats entre ceux-ci qui pourrait se trouver sur des médias officiels (des journalistes en général). Car la possibilité d’émettre sa propre opinion et de choisir (ou que l’algorithme choisisse (sans être un argument de régulation des algorithmes) les informations les plus proches de son point de vue implique un repli sur soi, qui à terme peut-être dangereux pour la démocratie.

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A propos des Fake News:
Frédéric Lordon était invité sur France Culture le 19 janvier

Et il a publié: « Macron décodeur-en-chef » sur son blog du Monde Diplomatique « La pompe à phynance »

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