Et si on se passait de vote ?

Oui, le sujet est un peu putaclic et oui, je suis très sérieux. Je m’explique: vu que « tout le monde » vote, y compris en Corée du Nord, mais que tout le monde ne vit pas en démocratie, il est facile de déduire que le vote ne garantit pas la démocratie. J’ai donc retourné cette idée comme un gant: et si le vote n’était pas, non plus, indispensable à la démocratie? Après tout, la démocratie athénienne (et d’autres?) se faisait en partie sur le tirage au sort.

Je propose donc ici de pousser l’expérience de politique-fiction: à votre avis, est-il possible d’obtenir un système démocratique sans qu’il y ait besoin de fabriquer une seule urne ou de lever une seule main? Et je dis bien démocratique, pas méritocratique ou gérontocratique – encore que: de tels systèmes pourraient-ils être compatibles avec la démocratie?

Plus généralement, une démocratie saine ne peut-elle être que par le bon fonctionnement, en toute conscience et en toute indépendance, du vote? Peut-elle s’exercer autrement?

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J’aime bien ce type d’exercice de fiction, merci pour avoir lancé l’idée :wink:

Sur Wikipédia: « Le terme démocratie (du grec ancien δημοκρατία / dēmokratía, combinaison de δῆμος / dêmos, « territoire » (de daiesthai, partager) puis « ensemble des citoyens », et kratein, « commander ») ». Pour faire court: un territoire commandé par un ensemble de citoyens. Cette définition ne dit rien sur la méthode utilisée et il faut observer que la notion de vote n’apparaît que tout à la fin du texte d’introduction de la page. Cette même introduction utilise le terme de « volonté générale » que je trouve intéressante dans le contexte de ce sujet. Je part donc du point supposant que l’on peut reformuler la question ainsi: peut-on déterminer une volonté générale sans votation ? Il me semble que cette question est analysable sous deux aspects possible: 1) déterminer les volontés individuelles et en tirer une généralité; 2) déterminer directement la volonté générale pas une observation générale.

  1. Déterminer la volonté individuelle. Poser une question (dont fait partie le vote) semble le plus naturel à notre conscience et l’action volontaire est certainement un élément important pour que l’individu ressente une maîtrise de la situation. Sans poser de question, il semble difficile d’avoir une réponse basée principalement sur la conscience de l’individu. Imaginons une machine qui pourrait répondre à notre place en, par exemple analysant notre cerveau, notre comportement, nos données. Pourrait-elle vraiment arriver au même choix qu’un question posée à notre conscience ? Si la réponse est non, alors il n’est pas possible de déterminer la volonté individuelle sans une question consciente et la réponse à la question du sujet est non. Si la réponse est oui, alors on a un paradoxe intéressant: la machine est capable de déterminer avec assez de précision tout le raisonnement que l’on aurait fait avec notre conscience, alors que dans les fait seule la conscience simulée de la machine a fait ce cheminement. La conscience dans le cerveau de l’individu n’a pas pu faire la même démarche car la question ne lui a pas été posée. Le paradoxe est là que la machine ne peut logiquement pas simuler une conscience correspondant à la réalité, donc auquel la question n’a pas été posée, et en déterminer la réponse à la question sans la poser ce qui a pour conséquence que la simulation ne correspond plus à la réalité. Donc la réponse au sujet est aussi non dans ce cas: l’expérience conscient que provoque l’analyse d’une question fait évoluer l’individu. Il va prendre connaissance qu’il y a une décision à prendre, avec des enjeux, son contexte, les avis des autres, etc… Si l’individu ne fait pas cette expérience, il reste en quelque sort ignorant et dépendant de la machine qui déterminerait ce qu’il faut faire à sa place.

  2. Observer la société en générale pour en tirer une décision me semble aussi limité pas l’expérience consciente que la prise de décision provoque chez chaque individu. J’entrevois toutefois quelques scénarios qui pourraient entre dans cette catégorie. Par exemple si une loi un peu générique stipule que toutes les routes qui ont des ralentissements de plus de 10 minutes doivent être améliorées pour fluidifier leur trafique. Tout les citoyens sont conscient de la loi et si une route est améliorée ils ont tous conscient que c’est en accord avec elle. La décision d’améliorer la route n’a pas grand chose à voir avec un vote, il n’y a pas par exemple de date de votation, et le tronçon de route à améliorer n’est pas identifié à priori. La décision est faire par une observation générale confrontée à la volonté générale d’avoir des routes efficaces. Le raisonnement semble tenir la route, mais peut-on encore qualifier cette méthode de démocratique ? A supposer que ce soit le cas, il reste le problème qu’il faut auparavant prendre la décision de la loi générale qui décrit comment la volonté générale est observée et appliquée. Ça devient légèrement récursif et ça me fait penser à une sorte de délégation technique. A un moment il faut bien que la première délégation soit faite consciemment par chaque individu comme pour le point 1). Donc là aussi la réponse est non.

Un autre axe de réflexion est possible sur la définition du vote. En utilisant une définition très stricte, par exemple une méthode qui requière un isoloir, alors oui il est possible de déterminer les volontés individuelle autrement qu’avec ce type stricte de vote. Mais du moment que l’on appel vote toute méthode qui permet de déterminer la volonté consciente d’un individu, alors il devient impossible de se passer du vote.

bonjour,
je suis d’accord avec le fait que le vote n’est pas la condition nécessaire et suffisante pour attester qu’on est dans un régime démocratique. Le vote n’est donc pas une fin en sois, un aboutissement ultime. C’est un outil, utilisé pour demander une réponse à une question (dans le cas des référendums) ou pour déléguer son pouvoir à des représentants (qui une foi élu ne représente plus qu’eux, mais c’est un autre débat). Du coup, pour le vote, en temps qu’outil, pose surtout le problème de ses modalités concrètes d’utilisations. Demander au gens de voter est une chose, leur donner les clefs pour réellement mesurer les conséquences de leur vote en est une autre. La qualité des informations dont disposent les citoyens, le temps qu’ils ont pour s’informer, les lieux où ils ont l’occasion de débattre de leurs opinions sont autant d’enjeux pour approcher un système plus démocratique. Sans cet espace démocratique en dehors de l’acte de voter, il me semble délicat de parler de démocratie.
Maintenant pour ce qui est d’imaginer une société démocratique sans cet outil vote, je pense que les théories les plus poussées dans ce sens sont à chercher du côté des anarchistes… Ou alors permettre aux individus de signer des contrats sociaux sur mesure, où de redéfinir les règles à des échelles plus petites et locales et décentraliser les prises de décisions avec des structures permettant d’éviter les conflits de voisinage. On pourrait partir sur des sociétés basée sur des associations défendant chacune des courants ou opinions et dans lesquels les individus participent à titre collectif (et avec des règles pour trancher les conflits inter-associations par exemple).
Je trouve que c’est en tout cas une très bonne question à se poser pour réfléchir à ce qu’on entend et souhaite comme démocratie au delà de l’idée actuelle de république représentative.

Puis-je préciser la question ainsi?

-Peut-on se passer de voter pour sélectionner des représentants du peuple parmi des candidats présélectionnés dans des partis politiques avec le système de comptabilisation par majorité en deux tours de vote?

Quand il s’agit de voter oui/non à une question par référendum (et je n’imagine de référendum que créé par le peuple avec un seuil minimal de transformation d’une pétition en votation, et un seuil de participation au vote assez élevé à atteindre pour qu’un vote oui majoritaire devienne une loi ou l’annulation d’une loi), alors oui pour l’urne, c’est un garantie de démocratie indispensable que l’on a pas actuellement dans le gouvernement représentatif qu’est la république française.

Quand il s’agit de voter dans une association ou une entreprise, avec un système sociocratique, alors c’est aussi une garantie indispensable pour ressentir ce qu’est une démocratie.

Pour rappel, le système sociocratique existe depuis quelques années, est déjà utilisé à succès dans des entreprises.

En résumé, un groupe élis un représentant sans candidat, avec la règle qu’on ne peut s’opposer au vote majoritaire que si l’on a une proposition ou une amorce de proposition à soumettre au groupe, et que ce groupe a alors la responsabilité d’inclure l’objection dans la solution majoritaire, jusqu’à un consentement de tout le groupe sans exception, alors le vote a pour moi un sens plus respectueux de tous.

Pour le tirage au sort, je le relie avec l’examen, qui est un autre moyen encore de sélectionner des représentants et de donner des garanties au peuple entier, et je suis pour (voir le sujet à propos du permis de représenter).

Les votations populaires Suisse du 28 novembre 2021 relancent en partie le débat sur le tirage au sort, avec une initiative populaire qui va couper les liens des juges avec les partis. Les médias donnent à cette occasion la parole à des historiens qui rappellent que le tirage au sort a déjà été très utilisé.

« Le tirage au sort n’est pas si exotique dans l’histoire politique suisse » https://www.rts.ch/info/suisse/12633657-le-tirage-au-sort-n-est-pas-si-exotique-dans-l-histoire-politique-suisse.html?rts_source=rss_t

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Pour tout savoir sur le tirage au sort en suisse c’est ici :
https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_F02FD9451B7A.P001/REF

et plus rapide à lire (150 pages contre 328) il y a aussi cet ouvrage :

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