[LECTURE] Désobéissance civile et démocratie d'Howard Zinn

Bonjour à tous,

Le format des lectures inauguré durant la campagne de crowdfunding semble avoir plutôt plu. Nous avons donc décidé de poursuivre ce format en vous proposant une lecture d’un extrait de Désobéissance civile et démocratie de l’historien américain Howard Zinn.

Dans ce livre, Howard Zinn s’attache à déconstruire un certain regard historique sur le évolutions de nos « démocraties » : celui qui ne met en avant que les grands hommes d’État et les vainqueurs. Il remet du même coup sous les projecteurs tous les actes de désobéissance civile qui sont en réalité à l’origine de ces évolutions et replace ainsi la notion de désobéissance civile au cœur de toute logique démocratique.

N’hésitez pas à nous dire ce que ce texte vous inspire !

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On ne pense pas forcément a tous ces acteurs de l’ombre quand on regarde ce qui se fait dans un autre pays (parfois meme pour la France). Il est vrais que l’on apprend que certaines évolution sont liées a un président en particulier mais l’histoire ne relate pas ceux qui ont été l’étincelle du changement. J’ai beaucoup cet extrait qui fait réaliser qu’il y a ces personnes autour.

Il est vrais qu’à moins de se poser spécifiquement la questions ce n’est pas quelque chose auquel j’aurais pensé.

  • C’est une bonne idée de poster ces extraits sur SoundCloud ça permet de les suivres plus facilement.

++ J’ajoute le livre a ma (longue) liste de livres a livre :slight_smile: Merci!

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Bonjour,
Merci pour cet extrait.
Cet extrait me rappelle la pensée d’Hannah Arendt, notamment avec la crise de la culture (dont l’essai sur la liberté ).
Ce qui est ici décrit comme désobéissance civile est pour elle simplement une forme de liberté:
Le monde est vieux, détermine ce que nous pouvons être, ou pour le dire autrement nous appartenons à ce monde. La liberté c’est commencer quelque chose de nouveau dans ce vieux monde, et ne pas juste suivre les traditions, répéter le passé.
La désobéissance civile est exactement cette création de quelque chose de nouveau. Les gens qui ont combattu contre l’esclavage et ne voulaient plus traiter/être traiter de façon inhumaine, ont essayé de créer quelque chose, une conscience humaine face à la barbarie, parfois au péril de leur vie.
Arendt décrit aussi le rapport à l’Histoire qui vient de la tradition épique, les récits d’Homère, des grands hommes, en parfaite contradiction avec ce que le monde est, plein d’actes de liberté de chacun.

La désobéissance civile est présentée comme un instrument politique, mais à mon avis ce n’en est pas un instrument politique, c’est ce qui reste à faire quand il n’y a justement pas d’instruments politiques appropriés.

Bonjour et merci pour votre commentaire. Effectivement, la désobéissance civile intervient lorsque les autres modes de contestation ne sont plus efficaces sur le sujet visé. Mais est-ce que l’on peut pour autant dire que ce n’est pas un instrument politique ? Il y aurait des actions citoyennes qui seraient des instruments politiques plus légitimes que les autres ?

Lorsque des citoyens américains décident de ne pas se rendre à la conscription pour la guerre du Vietnam, voir qu’il brûlent des listes de conscrits pour enrayer la machine institutionnelle se mettant du coup hors-la-loi, sont-ils « moins politiques » que celles et ceux qui, avant que la guerre n’éclate, ont protesté au Sénat ou dans la rue ? Doit-on classer les « instruments politiques » selon un ordre de valeur ?

Telle qu’Howard Zinn la présente - et il n’est pas le seul à la penser ainsi - la désobéissance civile est un outil profondément politique au coeur de toute démocratie car elle est celui qui permet de faire respirer la démocratie en remettant sur la place publique un questionnement de fond sur la loi ou l’action de l’État.

Voici un article qui approfondi un peu plus la question : https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2015-4-page-43.htm

Les instruments politiques sont définis par la constitution. Comme la désobéissance civique n’est pas inscrite dans la constitution, elle n’est pas un instrument politique. (Cela ne signifie pas que ce n’est pas utile si il n’y a pas d’autre solution).

C’est juste une question de définition. Si, dans le cas de votre exemple, les américains avaient eu à disposition un instrument politique permettant d’arrêter rapidement la guerre, ils l’auraient assurément utilisé. C’est justement à cause de l’absence d’un instrument politique efficace qu’ils n’avaient pas vraiment d’autre choix que de faire ce qu’ils ont fait.

En tant que Suisse utilisant une politique de démocratie semi-directe, je ne peux qu’être en total désaccord avec le point de vue que vous exposez. Non, la désobéissance civile n’est pas au coeur de toute démocratie. C’est le cas seulement des démocraties qui ne garantissent pas assez d’instruments de démocratie directe efficaces. Si le peuple est réellement le souverain dans l’exercice de droits civiques efficaces, il n’y a pas de réelle motivation à faire de la désobéissance civique.

Je comprends tout à fait votre point de vue. Tout dépend en partie de comment on considère la « démocratie ». Est-ce un régime politique achevé ou bien un horizon à atteindre ? Si c’est un régime politique achevé et efficace alors, en effet, on pourrait dire que la désobéissance civile pourrait ne pas être nécessaire, à la condition que le système en place respecte un idéal d’égalité d’accès pour toutes et tous à ce même système.

Par contre, si l’on considère la démocratie comme un horizon à atteindre tendant vers plus d’égalité et de justice, alors il est fort probable que la désobéissance civile soit l’un des instruments politique à la disposition des citoyens, tant que des inégalités et des injustices persistent dans le système en place.

L’autre question qui apparait alors est celle du côté « vivant » de tout régime politique. La notion de désobéissance civile tient profondément compte de cet aspect et elle nous invite même à penser la notion de démocratie en dehors des régimes politiques en place. Dans votre message, vous faisiez référence à la Constitution mais aucune Constitution n’est apparue « in extenso », toute Constitution est le fruit d’un contexte, elle est donc marquée dans le temps et liée à ce contexte. Il y a donc fort à parier que, le contexte se transformant, toute Constitution soit amenée à évoluer. Il est bien sûr souhaitable que les outils comme ceux de la démocratie semi-directe que vous évoquez permettent ces évolutions, mais il me semble risqué de prétendre que ces outils là seront toujours valables en tout temps et tout contexte.

L’histoire nous raconte qu’un certain nombre des évolutions positives de nos sociétés sont liées à des actes de désobéissance civile. D’autres sont liés à des actes impliquant d’autres outils démocratiques comme ceux en place actuellement en Suisse. Je ne cherche pas à opposer les deux mais plutôt à reconnaitre les deux :slight_smile:

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Ma réflexion est pragmatique plus que philosophique. La désobéissance civile n’a d’efficacité qu’à partir du moment où elle s’organise de façon à pouvoir appliquer une pression sur le système politique existant. C’est beaucoup d’efforts et c’est un processus fondamentalement basé sur un conflit avec le système politique existant. Certains outils de démocratie directe permettent d’agir dans de bien meilleures conditions tout en étant directement intégré au système politique, c’est beaucoup moins conflictuel.

Si pour une tâche vous n’avez pas un outil approprié à votre disposition, vous allez perdre du temps et ça va vous énerver, vous êtes dans une sorte de conflit. Si vous avez un outil approprié pour la tâche, ça va se passer beaucoup mieux, sans conflit. Comme je vous disais, c’est très pragmatique…

D’un point de vue philosophique, c’est bien plus agréable de pouvoir faire confiance à un système politique qui garantit que le peuple est souverain avec des outils de démocratie directe, plutôt que d’être en conflit quasi permanent avec un système politique déconnecté du peuple qui n’a que des moyens conflictuels pour agir.

Effectivement la constitution Suisse ne s’est pas apparue « in extenso » et a évolué depuis 1848. Je ne vois aucune contradiction avec le fait qu’elle garantisse des droits politiques avec des instruments de démocratie directe.

Je suis d’accord avec vous pour dire que certaines formes de démocratie permettent avec les instruments qu’elles possèdent, de gérer des problèmes sans conflits.
Mais le problème c’est que ce ne sont pas tous les problèmes, tous les sujets qui seront discutés. Et même lorsqu’ils ont été discuté, voté, on est pas obligé d’accepter le choix qui est fait.
Je vais prendre plusieurs exemples:

  1. Il y a toujours un problème de savoir jusqu’où la démocratie a lieu, autrement dit, il y a toujours des gens qui ont une voix silencieuse: en grèce antique, les esclaves, femmes enfants métèques n’avait pas droit de vote : un mouvement pour la libération des esclaves, de désobéissances civiles pour cette libération. En Suisse, a été voté une loi contre l’immigration massive, mais les étrangers n’ont sans doute pas pu prendre part au vote. Et s’ils avaient voulu être reconnu?

  2. Ensuite si on peut prendre part au vote, mais malgré pleins de bons arguments, on perd car la plupart des citoyens ne les comprennent pas: Que faire ? Attendre qu’à nouveau la question se lève? Ou essayer de faire bouger les choses, parfois en désobéissant?

  3. Enfin si la population du pays est profondément pour la continuation d’une idée, d’un type de système, et que je ne peux pas réunir les 100000 voix? Quelqu’un de profondément anti-capitaliste n’arriverait (peut-être) pas en Suisse à enclencher un des instruments démocratiques. Certains appellent ça la tyrannie de la majorité.

En définitive, on est d’accord pour dire que les instruments d’une démocratie aident à amoindrir les conflits avec la politique. Mais ils restera toujours des personnes silencieuses, des personnes incomprises ou des personnes minoritaires.
J’ajouterai que les idées neuves sont toujours minoritaires. Lorsque les premiers écologistes sont « apparues », beaucoup de gens les prenaient pour des fous. Et pourtant, des années plus tard, cela semble une idée qui a fait son chemin!!

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Cool :slight_smile:

Pourquoi croyez-vous que les outils de démocratie directe ne permettent pas de discuter de tout les problèmes ou sujets ?

Libre à vous de ne pas accepter les règles de la société dans laquelle vous vivez, c’est un tout autre débat qui n’est même pas en relation avec le système politique utilisé.

Dans toutes les démocraties il y a un texte pour définir quels citoyens sont aptes à voter et/ou à se porter candidat d’une élection. Ce texte évolue parfois avec le temps, que ce soit via des désobéissance civique ou via des instruments de démocratie directe quand ils existent. Un étranger qui veut être reconnu se fait naturaliser, c’est la procédure normale.

Analyser pourquoi ils n’ont pas compris et recommencer avec de meilleures arguments. C’est typiquement ce qui est arrivé pour le suffrage féminin en Suisse:

Le processus peut être long, mais il a l’avantage de permettre la création d’une large approbation plutôt que de créer de nouveaux conflits résultant d’un décision non démocratique. L’article parle du reste des cantons auxquels le suffrage féminin a été imposé. Etait-ce mal de le faire contre la volonté de cette minorité ?

Avez-vous entendu parler de l’initiative Minder ?

Pourquoi donc quelqu’un de profondément anti-capitaliste pourrait dicter sa loi à tout un peuple si il n’arrive même pas à convaincre 100’000 personnes ? Je sais que ce type de pouvoir élitiste est encore pratiqué actuellement en France, mais désolé je n’y vois rien de démocratique. Certains Français parlent même de « monarchie républicaine »…

Effectivement les outils de démocratie directe ne sont pas parfait et ne résolvent pas tous les problèmes existants. Heureux que vous soyez d’accord pour penser qu’ils sont tout de même un avantage, dans le sens où ils réduisent le nombre de conflits (que je comprends comme de la désobéissance civique).

Je vous suggère donc d’utiliser et de développer les instruments de démocratie directe. Pour ma par ne suis très convaincu que c’est une bonne chose.

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Je faisais ici référence aux personnes silencieuses de mon exposé. Celles à qui la société ne donne pas la parole, de façon consciente (La loi qui fixe l’accès à la citoyenneté, ou la loi interdit de parler de certains sujets (exemple: la surveillance de masse n’a été mis au public que par la désobéissance civile, découvrir des informations secret défense interdit.) ou inconsciente (ceux à qui ont oublie de donner la parole: une personne illettré, ou trop vieille, etc… et qui n’arrive pas à voter).

J’imagine que tu reconnais un minimum l’intérêt des désobéissance civiles ici donc. Si la société met hors la loi certains sujets/ personnes, même si c’est une démocratie directe, la désobéissance civile est nécessaire, au moins pour faire émerger le problème.
Si un étrnger peut être reconnu par naturalisation, en plus que ce n’est pas l’avis de tout le monde, il existe plein de formes de naturalisation! C’est exactement ce qui s’est passé pour le cas des travailleurs sans papiers qui ont eu le courage de faire une grève en 2008 pour être régularisé alors qu’ils étaient menacé d’expulsion. C’est un acte de désobéissance civile fait par des anonymes.

Je peux comprendre que le processus peut être long pour certains sujets. Mais qui sait, il y a peut-être des sujets qui n’arriverait jamais à évoluer dans le bon sens, sans désobéissance civile.

Ensuite, je reviens tout de suite au mot que j’ai employé: « conflit ». Je ne crois pas que désobéissance civile se réduit à conflit. Au contraire, c’est exprimé une voix qui n’existe plus, ou qui est méprisé, ou rejeté par la société. C’est dire: ma voix n’est plus entendu, quelque soit les outils démocratiques, et elle est pourtant égale à la votre. Pour qu’elle soit écoutée, la désobéissance civile s’avère parfois nécessaire. La désobéissance civile, ce n’est donc pas forcément dicter la loi aux autres, mais c’est la faire entendre par des moyens autres que normaux (dans le sens: dans les normes).

Effectivement, la désobéissance civile est ce qui reste quand aucun instrument politique disponible n’est efficace. Mais je pense très fermement qu’il est très dangereux de prétendre que la désobéissance civique est le coeur d’un système politique, en particulier démocratique. Un bon système politique est justement un système qui a pour résultat de ne pas avoir besoin de désobéissance civique pour trouver des solutions de compromis acceptables démocratiquement.

Si vous souhaitez avoir une limite plus concrète de l’acceptation de la désobéissance civique, songez qu’elle n’est pas par définition perçus comme constructive par la majorité d’une population quand cela pose des problèmes de sécurité. Un instrument politique est une bien meilleure option à chaque fois que c’est possible.

Ajouter des instruments de démocratie directe utilisables permet de diminuer le besoin de désobéissance civique (ou alors ils ont un problème). C’est donc l’ajout d’instrument de démocratie direct qui est important de développer, en particulier en cas d’augmentation de désobéissances civique.