La compétence démocratique contre l'extrême droite ?

Quand nous avons parlé à nos confrères.soeurs et ami.e.s de notre projet de faire un documentaire sur la démocratie, beaucoup ont immédiatement relié notre projet à la montée du Front national, l’élection de Donald Trump ou la victoire du camp du Brexit.

Au fur et à mesure de nos lectures, nous avons commencé à percevoir dans certaines de ces réactions une défiance vis-à-vis des électeurs qui « votent mal ». Un mécanisme identifié avec force dans La haine de la démocratie, 2005 de Jacques Rancière qui l’avait étudié au lendemain de la victoire du « non » au référendum sur le traité de Maastricht.

Et puis voilà qu’hier, le youtuber Usul a une fois de plus évoqué la démocratie dans sa nouvelle chronique sur Mediapart « Ouvez les guillemets ».

Avec Mathilde, alias @cheztoimathilde , on s’est dit que cettte vidéo et le petit verbatim ci-dessous faisaient une suite intéressante à nos réflexions sur la montée des partis d’extrême droite et valait la peine d’être débattue avec vous.

Parlez un peu aux fachos, vous verez qu’ils vont très souvent vous sortir des trucs du genre :
« Les gens c’est des cons, ils sont tous manipulés, les gens c’est des moutons ! »

Si tout le monde est con, alors pourquoi délibérer collectivement ? Pourquoi la démocratie ? Le coup de force sera toujours plus efficace, surtout s’il est mené par quelqu’un qui est … compétent !

Et si la meilleure façon de combattre l’extrême droite, c’était finalement faire confiance à cette compétence démocratique que nous nous sommes reconnus et qu’ils nous nient farouchement ?

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ça fait fortement echo à ce que j’avais écrit ici:

Bon du coup, je suis en désaccord avec son argumentation: ce n’est pas par stratégie contre l’extrême droite qu’il faut instituer une démocratie où chacun peut s’exprimer. C’est à cause du besoin de s’exprimer de toutes les personnes délaissées par le système (et il y en a de plus en plus), qu’il faut plus de démocratie ! (et s’ils ont la parole, ils ne voteront pas à des démagogue).

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Merci de ce rappel à votre précédent post.

Je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fait que le sentiment de désintérêt pour la parole des citoyens nourrit le désengagement des structures institutionnalisées de la démocratie. La question de « comment refaire démocratie ensemble ? » est au coeur de notre démarche.

Je ne pense cependant pas que votre propos soit forcément contradictoire avec celui d’Usul. J’ai plutôt l’impression que vous ne prenez pas le même point de départ. Comme il l’explique dans le début de la vidéo, un certain mépris des classes populaires qui « votent mal » se développe dans l’électorat plus aisé / éduqué. Beaucoup de discours médiatiques ou politiques critiquent les électeurs au lieu de remettre en cause le système. L’approche qu’il adopte est stratégique et va contre ce jugement : faire confiance aux électeurs est une façon de lutter contre les ennemis des libertés publiques, ici identifiés comme étant les formations et mouvements d’extrême droite.

De ce que j’en comprends, il ne dit pas que c’est « pour ça » qu’il faut être démocrate. Mais plutôt que, contrairement à ceux qui transpire d’un discours de « haine de la démocratie », reconnaître à chacun une légitimité démocratique égale constitue le meilleur rempart contre la tentation autoritaire dont se nourrissent les mouvements d’extrême droite.

Bon, j’ai sûrement une interprétation différente de ce qui est dit dans la vidéo.
Dans cette vidéo, après une introduction sur ce qu’est le fascisme et de la droitisation du champ politique, on parle bien de " bourgeois installés, [où] on pointe à bon compte les classes populaires, bien trop perméables aux idées xénophobes. " Ceci est bien un discours qui ressemble à « la haine de la démocratie » qui a été analysé par Jacques Rancière.
Mais la différence qui se trouve après reste assez importante:
" Et si la meilleure façon de combattre l’extrême droite, c’était finalement faire confiance à cette compétence démocratique que nous nous sommes reconnus et qu’ils nous nient farouchement ?"
J’analyse cette phrase comme ceci: un moyen de combattre l’extrême droite : faire confiance à cette compétence démocratique (promouvoir la démocratie donc).
Au contraire de ce que j’essaye de dire: une cause « de la montée de ce qu’il appelle neonazi » : manque de prise en compte de la parole du citoyen. Conclusion : Essayons de prendre plus en compte cette parole. (j’ajouterai aussi du débat démocratique).
La différence est que je n’essaye pas de me mettre dans un camp, de faire « un combat contre » car justement, je ne suis pas un juge moral dans cette affaire.
Je n’essaye donc pas de dire de jugements moraux tel que xénophobe, islamophobe, racistes, etc… C’est ce que dit Usul à la fin de sa vidéo « Donc il va peut-être falloir apprendre à leur parler autrement, il va peut-être même falloir les écouter, leur faire confiance et leur dire de se faire confiance. » mais il y a toujours ce jugement moral qui tombe " Alors on peut continuer à dire « Bouh c’est pas bien d’être raciste »." ou comme tout au long de la vidéo, il décrit des sujets qui sont pour lui raciste, islamophobe etc…
En faisant ces jugements moraux, il décrit parfaitement ce que certains appellent police de la pensé, qu’il ironise dans sa vidéo: les jugements moraux sur des sujets particuliers.
Et si certains pourront se dire: Mais si tu n’es pas contre le racisme ,etc… tu es pour ! " ce n’est pas mon propos. La morale est une métaphysique sépare le monde en deux. Une démocratie avec un monde séparé en deux, c’est vouloir une monde de violence, de lutte entre camps et d’oppression des vaincus et ce n’est en rien quelque chose que l’on peut vouloir.

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Très bonne analyse. Le problème de la démocratie commence déjà quand quelqu’un dit qu’il faut combattre.

Par ailleur, l’histoire du FN en France est particulièrement critiquable, alors que dans d’autres pays des formations de droite obtiennent actuellement également plus de suffrages bien que leurs histoires respectives soient tout à fait différentes. Il y a donc un autre raisonnement à adopter en plus de celui de la définition historique.

J’ai une vue très pragmatique: quand les frustrations sont grandes, les formations politiques qui n’ont pas dirigées récemment sont perçues avec plus d’espoir que celles qui viennent de se casser les dents en dirigeant. Ca n’explique pas tout, mais je pense que ça influence en partie les choix des citoyens.

Le problème principale réside cependant dans l’idée qu’une seule formation politique va diriger. Ce type de système va forcément créer de la frustration (il faut combattre…) et donc plusieurs camps séparés comme vous l’avez constaté. Une solution possible est d’encourager la négociation avec un système collégiale où les partis principaux sont proportionnellement représentés, y compris à l’exécutif.

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