En suisse - la démocratie semi-directe, mais pas seulement

merci pour ce complément!

je repensais aux initiatives et aux referendum :slight_smile:
que ce passe-t-il quand ils y en a beaucoup qui atteignent le seuil pour déclencher des votations? Sont-elles simplement mises à l’agenda des votations dans leur ordre de dépôt? où y a-t-il une priorité à celles qui ont le plus de signatures?

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Pas de quoi :slight_smile: Curieusement, un exemple de gouvernement collégiale n’attire beaucoup d’attention sur cet agora.

Chaque initiative et chaque référendum est traité séparément. Le conseil fédéral et/ou le parlement influencent sur la durée de traitement, mais il y a une durée maximal entre la fin de la récolte des signatures (dépôt à la chancellerie fédérale) et le moment de la votation populaire. Les paragraphes qui définissent la durée de traitement sont un peu éparses dans la constitution fédérale, mais la page suivante les rappels: Délais ordinaires de traitement

Cf. la loi sur le Parlament (171.10) art. 97, art. 100, art. 105 et art. 106 ainsi que la loi sur les droits politiques (161.1) art. 75a.
https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20010664/index.html#a97
https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20010664/index.html#a100
https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20010664/index.html#a105
https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20010664/index.html#a106
https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19760323/index.html#a75a

La date du dépôt de l’initiative (fin des récoltes des signatures), et donc la date de début de la récolte de signature 18 mois plus tôt, définit les dates maximales de traitement selon les paragraphes ci-dessus. Il y a donc quelque chose de l’ordre du premier arrivé, premier traité. La constitution ne prévoit pas de priorité. Ca c’est pour la théorie.

En pratique, le gouvernement et/ou le parlement peut avoir intérêt à aller plus ou moins vite sur un sujet en fonction de débats ou de négociations relatives en cours. Le cas typique est lorsque le gouvernement veut proposer un contre-projet à une initiative. Un autre exemple est quand le parlement parvient à légiférer sur une loi pendant la durée de traitement d’une initiative au point de changer sa substance. Il arrive même que le comité des initiants soit alors satisfait au point de retirer son initiative.

Par commodité, les votations populaires sont groupées sur environ 3 ou 4 dates par année, ce qui influence la durée de traitement totale. Donc à une date de votation donnée, les différents objets en votation peuvent avoir été déposés à des dates bien différentes. Il y a toutefois des limites qui garantissent un temps de traitement maximal. Historiquement, certaines de ses limites ont été introduites tardivement suite aux frustrations de certains comités d’initiative.

La situation avec trop d’initiative et/ou de référendums ne s’est pas encore produite, mais fait parfois l’objet d’un interpellation parlementaire. La solution la plus pragmatique serait d’augmenter le nombre signatures nécessaires, ce qui fait justement parfois l’objet d’un débat. Historiquement le nombre de signatures est passée de 50’000 à 100’000 lorsque le nombre de votants a doublé après l’acceptation du suffrage féminin. Il est resté stable depuis, malgré l’augmentation de la population. Le consensus actuel est qu’une limite basse permet un plus grand accès à l’expression politique, ce qui est vu positivement tant que les travaux de traitement représentent une charge raisonnable pour le gouvernement et le parlement.

merci encore pour ces précisions.

Pour la dernière vidéo, c’est difficile d’imaginer un équivalent français, ça ressemble plus à un parlement européen qui élit un président que des électeurs qui élisent un président. Peut-être ma comparaison est abusive.

Je vois une autre limite dans l’imaginaire français, c’est que le peuple suisse s’est lui-même appelé à voter prêt de 600 fois pour des initiatives ou des referendum depuis 1848… en france, combien de fois le peuple s’est-il appelé lui-même à voter? …

Officiellement, zéro fois.

Je pense que la différence principale est la collégialité de l’exécutif composé de multiples partis. C’est une forme d’organisation plus formelle pour rechercher le compromis, mais le fait qu’ailleur des présidents doivent négocier pour obtenir une majorité ou former une coalition fait penser que derrière la formule se cache un besoin plus universel de compromis. Les situation de cohabitation dans le gouvernement Français va un peu dans cette direction.

Le parlement Suisse (législatif) élit les 7 conseillers fédéraux (exécutif) tout les 4 ans et élit parmis eux un président et un vice-président toutes les années. Le président du conseil fédéral Suisse n’a aucun pouvoir en plus des 6 autres conseillers fédéraux (à part de déclarer l’ouverture et la clôture des séances du conseil fédéral). Il sert de représentant de la Suisse dans les situations ou le protocole en exige un, en particulier dans le contexte international.

Le parlement EU (législatif) approuve le mandat pour 5 ans d’un président de la commission EU (exécutif) nommé par le conseil EU. Le président de la commission EU est responsable de la liste des commissaires qui elle-même suit des règles et une procédure plus compliquée encore. La commission EU est censé travailler en collégialité.

Il y a des similitudes sur quelques points, mais aussi pas mal de différences. La différence la plus fondamental ne saute pas directement aux yeux: le gouvernement Suisse est un gouvernement fédéral avec un fort contrôle direct du peuple, alors que le gouvernement EU est un mélange compliqué au possible de pouvoirs très diverses qu’aucun terme autre que « union » n’a fait consensus pour le qualifié depuis sa création. Ce dernier point n’est à mon avis pas négligeable dans la perception actuellement éloignée qu’ont les peuples européens des décisions de l’EU.

Le point piquant est que la structure fédérale Suisse, avec 26 cantons indépendants qui ont chacun leur propre constitution, est d’une complexité tout à fait comparable à la structure de l’union européenne avec 27 pays indépendants qui ont chacun leur propre constitution. Le système politique EU est incroyablement complexe et découplé du peuple par rapport aux pouvoirs des gouvernements.

En Suisse la liste des date de votations pour les 20 prochaines années est déjà publiée: Dates des votations des 20 prochaines années
Sur les 615 objets de votations ( Tableau en chiffres ) qui ont été actuellement éffectuées, 209 ( Tableau en chiffres ) sont des initiatives populaires, et 185 ( Tableau en chiffres ) sont des référundums faclutatifs. Donc presque les 2/3 des votations sont effectivement des demandes du peuple. Le reste sont des référendums obligatoires.

La liste pour la France: Référendum en France — Wikipédia Je crains que sur le côté officiel vous avez raison. Peut-être que certaines votations étaient tout de même la conséquence de pressions par le peuple via des moyens non officiels ?

2/3 des votations dont la question a été choisie par le peuple, c’est beau.

Pour être vraiment exacte dans les détails. la question de chaque votation a été choisie par la Chancellerie Fédérale avec la formule du style:

Êtes-vous pour [objet] « [sujet] » du [date].

L’objet étant « l’initiative » ou « la loi » dans le cas d’un référendum. Dans le cas d’une initiative, le sujet est le titre choisi par le comité d’initiative. Dans le cas d’un référendum, le sujet est le titre qu’a choisi le parlement pour le texte de modification de la loi.

Ce genre de formule, les citoyens suisses doivent y être habitués à la formuler aux-mêmes?
La chancellerie la contrôle, la précise et s’occupe surtout de la traduire dans les langues officielles les questions.

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Oui, l’habitude vient en votant:

Exacte.

En parlant avec un ami, nous avons partagés une question, à savoir : comment les suisses sont-ils passés à une démocratie où le peuple a un droit d’initiative? autrement dit : quel(s) fait(s) historiques expliquent que ce droit ait été une évidence dans leur système politique?

Est-ce le fait que les cantons se sont fédérés au fur et à mesure de leurs inclusions dans la confédération avec tous la volonté de rester souverain avec leur propre constitution?

autrement dit, comment le peuple suisse a-t-il commencé à utiliser son pouvoir législatif direct officiellement? Le faisait-il de manière non-officielle auparavant? Ou était-ce une invention d’un homme politique qui a lu dans les textes historiques de la démocratie athénienne un exemple qui se rapprocherait de cela?

Je cherche à y répondre et demande cela naïvement pour donner à lire ce questionnement, au cas où un lecteur de l’agora pourrait ajouter une info.

J’avais commencé à écrire quelque chose à partir des notions que j’ai retenues et sans être historien, mais en fait je pense que les informations en ligne que j’ai trouvé depuis sont bien plus claires et plus fiables:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Initiative_populaire_fédérale#Histoire_de_l’initiative_populaire_fédérale

Je ne peux m’empêcher de lister deux livres illustrés par le très regretté Philippe Becquelin (Mix & Remix). Le second est très populaire:

https://editionslep.ch/histoire-suisse-424

https://editionslep.ch/institutions-politiques-suisses-488

Pour faire très bref: la notion d’initiative populaire vient de France et a évolué d’abords dans certains cantons avant d’être adoptées au niveau fédéral.

J’ai mis des liens dans le commentaire précédent.

Ironiquement c’est bien en France que le droit d’initiative populaire est en premier apparu comme une évidence. C’est la domination Française qui l’a introduite en Suisse au niveau constitutionnel bien que pas praticable sous la forme d’alors. Le parcours de ce droit a été ensuite différent en France et en Suisse pour aboutir à la situation actuelle. Si en France ce droit a malheureusement perdu de son utilité, en Suisse certains cantons l’ont rendu praticable et efficace, ce qui a finalement motivé son adoption au niveau fédéral.

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En simplifiant à l’extrême, deux actes historiques majeurs ont fondés le système fédéral Suisse: le pact fédéral de 1291, et la constitution fédérale de 1848. Donc oui, la notion de fédérer des cantons indépendants est vraiment une notion absolument centrale de la politique Suisse, même si ce n’est pas sans quelques contradictions et des périodes très différentes, comme notamment la domination Française ou la guerre civile du Sonderbund.

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ah oué… j’en suis troublé… et intrigué

C’est du moins ce que je peux déduire du texte suivant:

Histoire de l’initiative populaire fédérale
Avant 1848
La première forme d’initiative populaire en Suisse remonte à l’époque de la domination française, après qu’elle a été introduite dans ce pays par la Constitution de l’an I du 24 juin 1793 [notes 1]. Elle n’est cependant codifiée qu’entre 1831 et 1838, à la suite de l’utilisation massive des pétitions qui allaient forcer la Régénération, dans les cantons d’Argovie, de Bâle-Campagne, de Thurgovie, de Schaffhouse, de Lucerne et de Saint-Gall, sous la forme d’une demande de révision constitutionnelle totale. C’est le canton de Vaud qui connaît le premier, en 1845, l’initiative populaire des lois via une possibilité, donnée à 8 000 citoyens, de faire soumettre au peuple « toute proposition ».

https://fr.wikipedia.org/wiki/Initiative_populaire_fédérale#Histoire_de_l’initiative_populaire_fédérale

La note 1 indique:

↑ Dont le texte est disponible sur wikisource

Et en fait le lien pointe directement sur le chapitre concerné:

https://fr.wikisource.org/wiki/Constitution_du_24_juin_1793#De_la_souverainet.C3.A9_du_peuple

De la souveraineté du peuple
Article 7. - Le peuple souverain est l’universalité des citoyens français.

Article 8. - Il nomme immédiatement ses députés.

Article 9. - Il délègue à des électeurs le choix des administrateurs, des arbitres publics, des juges criminels et de cassation.

Article 10. - Il délibère sur les lois.


Après avoir lu ce chapitre de la constitution de 1793, je comprends mieux pourquoi l’article de Wikipédia:

  1. parle de « forme d’initiative populaire », car ça en a pas la dénomination.
  2. explique que « Elle n’est cependant codifiée qu’entre … », car il n’est pas expliqué comment le peuple délibère sur les lois.

Je soupçonne que prétendre qu’il existait une initiative populaire en 1793 est un peu abusif en comparaison à la forme actuellement définie dans la constitution Suisse. Je pense que l’auteur tente d’expliquer que la constitution de 1793 résulte de la volonté de définir constitutionnellement le peuple comme souverain, mais que le texte était trop succinct et général pour définir comment le faire en pratique, autrement qu’avec des pétitions. On peut ainsi percevoir que l’initiative populaire est une évolution codifiée et améliorée de la pétition.

c’est pourtant simple de comprendre que le peuple choisi la question puis vote une loi ou un changement complet ou partiel de la constitution, et que les élus sont dans cette institution comme n’importe quel citoyen.
bref,
peut-être y-a-t-il ici un lecteur des Oeuvres de Condorcet à qui nous devons cet outil populaire de législation (qui est un contre-pouvoir à une assemblée d’élus)?
pdf en ligne à propos de Condorcet et de son invention

Selon deux experts, la Suisse contrairement aux pays voisins serait mieux protégée contre les fausses infos, grâce à son système politique.

Les points importants de l’article:

« Comme il n’y a pas de candidats-phares nationaux, il faudrait dénigrer tous les candidats cantonaux. Un travail de longue haleine, peu rentable et difficile. En particulier dans les petits cantons, où la population connaît bien ses candidats. »

« Contrairement aux Etats-Unis, en France ou en Italie, il n’y a pas de personnalisation de la politique aussi marquée en Suisse. Les électeurs votent plutôt pour des partis, des propositions ou des idées. »

« Autre spécificité helvétique: le vote postal. Les Suisses votent sur plusieurs semaines. Or les fausses informations ont une durée de vie très courte allant de quelques heures à quelques jours. »

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merci encore quelques différences sensibles qui sont en fait des changements monstreux!
:sunny:
vu de france

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Une commune va changer de canton, et donc de constitution, ce qui n’était plus arrivé depuis plus de deux siècles. Un long processus fort bien négocié entre les deux cantons:

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